Il y a cent ans, mon grand-père avait tout juste 23 ans. Incorporé dès le début de la guerre, il était passé directement de l'atmosphère feutrée du séminaire où il faisait ses études à l'horreur des tranchées. De ces quatre années de cauchemar, il ramena une médaille pour avoir sauvé un camarade tombé sous la mitraille, deux blessures graves, des poumons brûlés par les gaz et le souvenir opiniâtre de la peur, du froid ou de la chaleur étouffante, du manque d'hygiène, du manque d'eau. Comme les autres, il avait bu son urine pour lutter contre la soif, il avait disputé sa couche aux rats, il avait pataugé des jours durant dans la boue, il avait cru mourir cent fois sous les tirs d'artillerie, le sifflement des obus, la brûlure des lance-flammes… Lorsqu'il mourut, à l'âge de 58 ans, il avait toujours le regard teinté d'effroi de ceux qui ont connu l'enfer.
Toutes les familles de France portent la mémoire de récits similaires. Il n'y en a pas une qui ne peut raconter l'histoire d'un grand-père, d'un arrière-grand-père mort au combat ou revenu estropié à vie, que ce soit physiquement ou psychologiquement.
Indépendamment des milliers de soldats qui ont continué de mourir au cours des décennies suivantes des suites de leurs blessures, chaque commune a perdu 5 à 10 % de sa population, le plus souvent dans une tranche d'âge allant de 18 à 30 ans.
Saint-Roch ne fait pas exception à la règle, et le devoir de mémoire que le village doit à ses martyrs a été ce matin dignement respecté par une population venue nombreuse malgré la pluie, avec l'implication remarquable des élèves de l'école primaire et de leurs enseignants. Autour du travail réalisé en classe, les plus jeunes peuvent ainsi comprendre non seulement l'histoire de leur pays, mais aussi et surtout celle de l'Europe, dont l'union reste le meilleur rempart contre la folie destructrice des guerres.
Il y a cent ans, le cessez-le-feu sonnait sur des armées exsangues, sur des soldats épuisés qui, une fois revenus dans leur foyer, refuseront souvent de parler, dans une tentative désespérée d'oublier l'interminable horreur qu'ils avaient vécue. Tous n'aspiraient qu'à une chose : "plus jamais ça"…
Le centenaire de l'armistice a revêtu, à Saint-Roch, une gravité toute particulière, chacun mesurant le chemin qui reste pourtant à parcourir pour que les peuples puissent réellement accéder à la paix.
Comme à l'habitude, la cérémonie a commencé par un dépôt de gerbe au "Monument des Fusillés", dans la forêt de Poillé, avant de se poursuivre par le rassemblement autour du monument aux morts, sous le chêne de la liberté.
Les enfants ont lu des extraits de lettres de soldats originaires du secteur de Fondettes et Saint-Roch puis, après l'énoncé des "Soldats morts pour la France" et la lecture des messages du président de la République et de l'Union Française des Associations de Combattants, ils ont chanté la Marseillaise, moment qui reste toujours porteur d'émotion.
Dans le respect d'un protocole immuable, la cérémonie s'est prolongée au cimetière, avant de se conclure par le traditionnel rafraichissement offert par la municipalité.
– Message du président de la République française (cliquer sur le titre pour accéder au texte en pdf)
– Message de l'Union Française des Associations de Combattants et de Victimes de Guerre (UFAC) (cliquer sur le titre pour accéder au texte en pdf)